(Mgr Marcel Perrier, évêque de Pamiers, été 2010)
Le loisir de choisir
La civilisation des loisirs, tant annoncée, tant attendue, a tout inventé pour te distraire. Elle te tire à hue et à dia, loin de toi-même. Et dans le tourbillon des possibilités, tu peux tourner
comme une toupie qui a perdu son axe, qui ne choisit plus son chemin et qui ne reconnaît même plus sa trace. Tu peux aussi choisir, en arts et en cultures, en marches et en sport, en relations et en
chansons, ce qui te feras grandir, « avec plaisir » !
Le repos… un devoir !
Dans la Bible, il est beaucoup question de repos. Le repos est même devenu un devoir. « Le septième jour sera un jour de repos complet. » (Exode 31, 15) Il s’agit d’imiter Dieu lui-même qui se reposa
de tout le travail qu’il avait fait (Genèse 2, 3). Il y eut un temps où les gens ne se reposaient que pour mieux travailler après. Actuellement, des hommes travaillent beaucoup pour pouvoir se payer
un vrai temps de repos et de loisirs. D’autres ont un travail qui consiste à être entièrement au service des loisirs des autres. Ne faut-il pas réhabiliter le repos, lui redonner son vrai sens ?
L’expérience le montre bien : « Celui qui ne se repose jamais, finit par fatiguer les autres. »
Se reposer
Jésus l’a demandé à ses disciples : « Reposez-vous un peu » (Marc 6, 30-34)
Se reposer… se poser à nouveau devant soi, mais autrement… Se retrouver soi-même, avec ses regrets à consoler, ses blessures à panser, des besoins à orienter, des souvenirs à méditer, des appels à
écouter… S’accueillir soi-même, avec patience, miséricorde et confiance…
Se reposer… se poser à nouveau devant la nature, avec un regard neuf… La nature est le premier livre que Dieu nous écrit. Elle porte tant de signes et de paraboles : la source toujours fidèle, l’eau qui chante dans les imprévus des cascades et des ravins, l’arbre debout dans la tempête grâce aux racines qui s’embrassent solidement dans le sol.
Se reposer… se poser à nouveau devant les autres, avec des yeux renouvelés… La vie nous met, en file, les uns derrière les autres. La télévision nous met côte à côte.
Se retrouver face à face, dans un dialogue tout neuf, avec un regard vrai, pour une proximité vécue même dans le silence… « Heureux ceux qui s’aiment assez pour savoir se taire ensemble. »
(Peguy).
Se reposer… se poser à nouveau devant Dieu, avec un cœur d’enfant… Il est source de vie et d’amour dans la conscience de chacun. Il murmure, comme au temps d’Esaïe (ch. 43) : « Je t’ai appelé par
ton nom, tu comptes beaucoup à mes yeux, tu es précieux pour moi car je t’aime. »
Il est aussi « le Dieu des grands espaces et des larges horizons », le Dieu de l’Histoire en perpétuel enfantement.
La contemplation… un sommet !
La contemplation n’est-elle pas le sommet de la respiration humaine ? Par elle, nous sommes reliés à la source, reliés à la vie, épanouis dans un vis à vis qui nous élève. Elle est détente physique,
éveil de sentiments, aspiration pleine de projets, ouverture aux possibles. Elle a un pouvoir de recréation qui nous aide à repartir, ressourcés, artisans de l’avenir, dans ce monde en chantier.
Le repos pascal
Je n’aime pas trop lire sur une pierre tombale : « Ici repose… » même si l’on ajoute « dans l’attente de l’éternité » ! Disons plutôt : « Ici on a posé tes restes !… Mais toi, tu te reposes en Dieu !
» C’est bien ainsi que parle la Bible. « Le juste se repose dans le Seigneur. » « Le juste se repose dans sa gloire » (Si. 14, 27) « Ma chair reposera dans l’espérance » (Ps 15, 9) Et c’est bien dans
ce repos que Dieu nous recompose. Il nous recrée pour une vie nouvelle et éternelle.
Après tant de pas, sur les chemins caillouteux de la vie, la chenille s’immobilise en devenant chrysalide. Et durant cette longue immobilité, elle se forme et se transforme et renaît papillon.
Merveilleuse renaissance !
N’est-ce pas aussi l’histoire du tombeau de Jérusalem qui avait reçu le corps de Jésus, enveloppé de bandelettes ? Après le long repos du samedi saint, le tombeau s’est ouvert et le crucifié du
vendredi est devenu le Ressuscité du matin de Pâques. « Dieu comble son bien aimé quand il dort ! »
De la récréation à la recréation
Ne faut-il pas faire la lecture pascale de nos vacances, de nos loisirs, de nos repos ? La récréation devient-elle recréation ? De nos jours, combien de loisirs polluent les corps, cassent le ressort
des consciences, démolissent des vies, des familles et des communautés. Le temps libéré est, au contraire, un temps pour choisir la vraie vie, un moyen de mûrir et de grandir. Il est une occasion
d’approfondir nos sentiments et nos relations. Évangéliser les loisirs, n’est-ce pas les rendre vraiment re-créateurs ?… recréateurs de personnes, de liens et de communautés ?
Seigneur, je t’offre ce temps de l’été
Où tu m’invites
A prendre de la distance,
Un peu, beaucoup
Par rapport à mon quotidien.
Accorde-moi d’arrêter
Le tourbillon de ma vie
Pour me poser,
Marcher à un autre rythme,
Savourer la simplicité et l’inattendu
De chaque matin.
En ton cœur, Seigneur, je dépose
Tout ce qui peuple mon cœur, mon esprit,
Mon imagination.
Que je laisse décanter la source de l’infini
Qui coule au creux de mon être !
Donne-moi de goûter la détente, le repos,
La beauté de la création,
De savourer les cadeaux
Des liens tissés au fil des saisons
Et la lenteur du temps redonné.
Après leur première mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus, et lui rapportent tout ce qu’ils ont fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger. Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement.